Écoute de Léonard

 

L’écoute de son prochain n’est pas réservée aux hospitaliers, ou toutes autres personnes qui se trouvent en situation d’accueil du pèlerin. Le pèlerin lui-même peut se trouver et bien mieux se mettre en position d’accueil et d’écoute de son prochain le long du chemin.

 

L’écoute du pèlerin

    Si spontanément, l’écoute fait référence à son instrument privilégié, l’oreille, il n’est pas le seul, et loin de là, à être mis en jeu. Quelqu’un faisait remarquer que nous n’avons qu’une langue  pour  deux  oreilles  !  

    C’est  dire l’importance d’écouter  qui est bien plus qu’entendre.

Accorder une attention à autrui, c’est l’écouter, mais c’est aussi une exclusive attention qu’on donne, faisant abstraction, un temps, de tout le reste, et notamment de  notre parole, de nos réactions et jugements.

    On sait que le terme « obéir » vient étymologiquement de audire, c’est-à-dire écouter.  Cela ne nous indique-t-il pas clairement que l’écoutant doit avoir une attitude subordonnée et non dominante de celui qui sait et accorde un peu de son temps, de manière condescendante. Si l’écoute participe à la thérapie, notre écoute ne doit pas être celle d’un thérapeute qui cherche dans ce qui lui est livré, des symptômes pour tenter de résoudre le problème de celui qui se confie.

   Prête l’oreille de ton cœur (l’oreillette cardiaque !), nous dit le prophète Isaïe : l’écoute est un don gratuit, et sans projet, ni but que celui de s’ouvrir à autrui. 

   L’écoute demande d’apprendre à se taire et à faire silence et parfois à réfréner l’envie de répondre, et même de couper la parole. L’écoute active demande aussi une attention soutenue pour comprendre ce qui est exprimé et,• parfois, comprendre en-deçà de ce qui est dit. Ce qui nous est confié ( confident = confiance), résonne parfois en nous et peut réveiller des affects enfouis.

Cela peut être douloureux, et il faut accepter, consentir, dans ce cas, à souffrir ( compassion) avec.

Les obstacles à l’écoute. 

  • Le jugement prématuré qui nous indispose à la continuation de l’accueil : juger les faits pas la personne.
  • L’impatience et l’envie d’interrompre la confidence.
  • Le besoin de préparer une réponse. 
  • Le désir de prise de pouvoir sur l’autre. Attitude prématurée de vouloir résoudre le problème d’autrui.
  • Ne pas plaquer son histoire personnelle sur celle de celui qui vous parle : « ah ! Oui ! C’est comme moi ! . . . bla-bla­bla … »

Écoute, et prière. 

   Au fond, prier, c’est apprendre à écouter. On peut longuement abreuver Dieu de parole, mais est-ce vraiment nécessaire puisqu’il sait ce que nous avons à dire avant de le dire, et même ce que nous pourrions exprimer si nous avions les mots. Prier c’est faire silence et apprendre à adorer en se laissant remplir de l’amour de Dieu. Saint-Benoît dans sa règle au chapitre de la réception des hôtes dans les monastères précise qu’on « adorera le Christ en nos hôtes » ! 

    Nous avons donc bien du chemin à faire avant d’accueillir autrui en cette profondeur ! 

Débats 

    On a souvent recommandé aux psychologues, aux médecins, de garder une bonne distance vis ­à-vis de ceux qui font appel à leurs services, pour ne pas être «mangés» par l’abondance des souffrances exprimées par leurs patients, en référence à l’attitude de neutralité du psychanalyste. 

    Un responsable espagnol des « hospitaleros volontarios » enseignait même de « saccadir el felpudo » (secouer le paillasson) tous les matins, comme hygiène mentale face à l’accueil: prier, lire, se promener dans la nature … 

    Ainsi, l’hospitalier pourrait être de nouveau pleinement disponible pour écouter les suivants. Donc « secouer le paillasson» c’est se décharger de tout ce que les pèlerins ont déposé sur l’accueillant : le mieux, semble-t-il, c’est de le confier à Dieu. Donc, dans l’écoute répétitive, il convient de trouver le moyen d’éviter la sédimentation lourde des confidences accumulées … 

   Une fois prises les quelques précautions salutaires, l’hospitalier chrétien ne peut, ne doit, refuser la compassion, (sympathie, condoléances) coûteuse émotionnellement, mais fruit inévitable de la charité. Il est sûrement profitable en cas de trouble post accueil, de faire le point avec d’autres et d’être écouté, à son tour pour évacuer les « nœuds du passé » resserrés par les confidences. 

   En tout cas, les hospitaliers ne sont pas voués à subir une psychanalyse, ni à se « blinder » en demeurant superficiels et indifférents à autrui. 

    La technique de reformulation peut être utilisée si elle n’est pas interprétative : « Est-ce bien cela que vous avez voulu dire ? » Mais cette technique permet, outre de témoigner qu’on a bien entendu, de résumer le propos, voir même d’établir une base sûre pour la suite. 

   La « petite question » qui demande une précision est utile au bout d’un moment pour témoigner de l’intérêt à l’interlocuteur, voir même pour éviter de partir sur des incompréhensions. 

Enfin, sauf exception, une écoute trop longue (supérieure à 20 ou 30 minutes), fatigue l’écoutant et finit par délayer le propos jusqu’à noyer l’essentiel. 

    Dans un deuxième temps, quand la personne écoutée se livre au fond, il peut être utile si cela est demandé, de donner un conseil, une piste d’approfondissement tout en se gardant bien de se poser en donneur de leçons, en moraliste ou en thérapeute supposé savoir résoudre les problèmes. 

   Mais aussi et surtout, ce deuxième temps peut être le moment où la réciprocité s’installe, où l’écoutant peut devenir l ‘écouté, et donc où l’hospitalier prends conscience (ou sait par principe) que l’écouté lui a apporté beaucoup et qu’à ce titre, il peut en être remercié. 

En terme de prière, c’est l’action de grâce. 

Léonard Tandeau de Marsac +

 

Léonard Tandeau de Marsac , décédé en janvier 2023, a laissés de nombreuses réflexions et méditations, fruits de la prière et de l’accueil des pèlerins durant 30 années. (www.hospitalite-saint-jacques.fr)

 

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